Les campements de personnes en situation d’itinérance constituent l’un des plus graves problèmes de droit au logement au Canada actuellement. Pendant la pandémie de COVID-19, le nombre de places dans les refuges a diminué, les services fournis à l’intérieur n’étaient plus sûrs et des personnes ont perdu leurs moyens de subsistance et leur logement. Cette situation a entraîné une augmentation des campements de personnes en situation d’itinérance dans tout le pays. 

Malheureusement, il n’existe que très peu de données complètes sur cette crise urgente. Malgré cela, nous savons que de nombreuses personnes n’ont eu d’autre choix que de vivre dans des tentes ou des abris informels pour survivre à la confluence de crises historiques en matière de santé, de logement, de changement climatique, de violence coloniale et de chômage.

Pour commencer à combler le manque d’information fiable, le Bureau du défenseur fédéral du logement a commandé une série de rapports qui rassemblent des connaissances de partout au pays dans le but de définir une approche des campements centrée sur les droits de la personne. L’équipe de recherche comprenait des experts juridiques, des chercheurs universitaires, des organismes communautaires et des personnes avec une expérience vécue de l’itinérance dans des lieux extérieurs. 

La série s’articule autour de cinq études de cas qui détaillent la réponse des municipalités aux campements pendant la pandémie. Les études accordent une attention particulière aux règlements municipaux et aux autres lois utilisés pour criminaliser les campements et leurs résidents afin de justifier des expulsions ainsi qu’à la manière dont ces attaques juridiques ont été contestées devant les tribunaux. Les cinq études de cas sont :

Ces études de cas mettent en évidence le fait que l’approche punitive des campements a été un échec total. Elle n’a pas répondu aux problèmes sous-jacents qui ont entraîné la croissance des campements, ni respecté les droits des résidents des campements, ni amélioré leur sécurité. 
 
De manière frappante, ces rapports font de la place aux résidents des campements et leurs défenseurs pour décrire les types d’entraide et de communauté qu’ils ont réussi à créer. Dans un contexte de défaillance systémique, les campements peuvent représenter un choix raisonnable pour les personnes qui ne peuvent pas accéder aux refuges existants, et de nombreuses personnes ont trouvé que travailler ensemble pour satisfaire leurs besoins de base a été une expérience marquante. 
 
Quelles possibilités existent en dehors du cycle de démantèlement et de déplacement?
 
Au cœur de la série se trouve un rapport de synthèse qui s’appuie sur les cinq études de cas pour chercher à répondre à cette question. Il soutient qu’on doit commencer par une reconnaissance de la double nature des campements : ils sont à la fois une violation du droit au logement des résidents et une manière dont ces derniers revendiquent leur droit en créant des foyers comme ils peuvent. 
 
Le rapport se sert notamment de huit principes fondamentaux d’une approche des campements centrée sur les droits qui sont identifiés dans Un protocole national sur les campements de sans-abri au Canada de Leilani Farha et Kaitlin Schwan. En bref, ces principes sont les suivants :
 
  1. Reconnaître les résidents des campements de personnes sans-abris comme des détenteurs de droits : elles revendiquent leurs droits dans un contexte de défaillance systémique
  2. Engagement significatif et participation effective des résidents des campements
  3. Interdiction des expulsions forcées des campements
  4. Explorer toutes les solutions durables à l’expulsion
  5. Veiller à ce que toute réinstallation soit conforme aux droits de la personne
  6. Veiller à ce que les campements répondent aux besoins fondamentaux des résidents conformément aux droits de la personne
  7. Garantir des objectifs et des résultats fondés sur les droits de la personne, ainsi que la préservation de la dignité des résidents des campements
  8. Respecter, protéger et satisfaire les droits distincts des peuples autochtones dans tout engagement relatif aux campements
 
Les auteurs se servent de ces huit principes comme point de départ pour l’élaboration de cinq recommandations destinées au gouvernement fédéral qui le permettraient de mettre en place une approche des campements centrée sur les droits. 

1. Éviter le recours aux mesures de maintien de l’ordre et à la police

Une approche des campements basée sur les droits exige que tous les gouvernements, y compris les municipalités et le gouvernement fédéral, mettent fin à leurs pratiques consistant à utiliser des ordonnances d’intrusion, des règlements municipaux et des mesures policières pour expulser les personnes sans domicile des campements.

2. Gouvernements municipaux et responsabilités partagées

En adoptant une approche des campements fondée sur les droits, les gouvernements fédéral et provinciaux ont l’obligation de fournir un financement et des services qui compensent l’impact disproportionné auquel sont confrontées les municipalités pour faire face à la crise du logement et à l’existence des campements. Cela comprend des options à court terme, comme des investissements dans des logements modulaires et des espaces d’hébergement adaptés, ainsi que des investissements à plus long terme dans des logements sociaux et abordables.

3. Assurer une participation significative des résidents des campements 

Une approche fondée sur les droits exige une participation significative et inclusive des personnes sans domicile à la conception et à la mise en œuvre des politiques, des programmes et des pratiques qui les concernent.

4. Reconnaître les droits distincts des peuples autochtones 

Les personnes autochtones sont extrêmement surreprésentées parmi les personnes en situation d’itinérance dans des lieux extérieurs partout au pays. Une approche fondée sur les droits exige que les gouvernements reconnaissent les droits des Autochtones en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de la Constitution canadienne, des traités et de la jurisprudence. Les gouvernements doivent inclure de manière significative tous les intervenants et toutes les nations autochtones concernés, telles qu’identifiés par les peuples autochtones eux-mêmes, dans le développement d’approches politiques concernant les campements.

5. Remédier aux conditions de vie dans les campements et fournir des services de base 

Une approche fondée sur les droits exige que les résidents des campements aient accès aux services de base, tels que l’eau potable, des installations sanitaires, l’électricité et le chauffage.

Une nouvelle approche des campements est nécessaire afin de respecter pleinement les droits et la dignité des résidents dans le cadre de la réalisation progressive du droit au logement tel que décrit dans la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement. 

Toute réponse aux campements qui ne les respecte pas en tant que communauté et ne met pas les droits et la dignité des résidents au centre est vouée à l’échec. Ces rapports montrent une autre voie qui accorde la priorité aux gens et à leurs droits de la personne.

(Cet article cite abondamment le rapport de synthèse rédigé par Alexandra Flynn, Joe Hermer, Caroline Leblanc, Sue-Ann MacDonald, Kaitlin Schwan et Estair Van Wagner.)