Combien sont sans abri au Canada?

On débat la question du dénombrement des sans-abri au Canada depuis plusieurs années. La Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI) estime qu’au Canada, entre 150 000 et 300 000 individus vivent l’itinérance au cours d’une année donnée, les défenseurs utilisant souvent le chiffre le plus élevé. Cependant, il n’y a jamais eu d’effort concerté, coordonné ou constant pour chiffrer l’itinérance au Canada, ce qui veut dire que jusqu’à récemment, nous nous sommes fiés à des estimations grossières basées sur des données aléatoires ou incomplètes.

Heureusement, les choses commencent à changer. De plus en plus de communautés partout au pays utilisent des décomptes ponctuels pour déterminer le nombre de sans-abri lors d’une nuit donnée, et nous accumulons aussi des données plus fiables sur l’utilisation des refuges. En début d’année, la SPLI a publié «L’étude nationale sur les refuges 2005-2009» (Segaert, 2012), qui pour la première fois nous offre des données fiables sur les refuges aux fins d’une estimation nationale de l’itinérance. L’étude estime le nombre annuel d’utilisateurs des refuges à environ 150 000 par an, un chiffre qui n’a pas beaucoup changé pendant la durée de l’étude.

Combien de personnes sont sans abri pendant une année donnée?

Nous estimons qu’au moins 200 000 Canadiens ont accès aux services d’urgence pour sans-abri ou dorment dehors au cours d’une année donnée. Le nombre réel est potentiellement bien plus élevé, étant donné que bon nombre de personnes qui deviennent des sans-abri vivent chez des amis ou de la famille, et n’entrent pas en contact avec les services d’urgence. Des données récentes issues d’un sondage d’Ipsos Reid tenu en mars 2013 suggère que jusqu’à 1,3 million de Canadiens ont vécu l’itinérance ou une situation de logement extrêmement instable à un moment donné au cours des cinq dernières années.

Combien y a-t-il de sans-abri au Canada en un jour donné?

On estime que le nombre de Canadiens qui vivent l’itinérance toute nuit donnée au Canada s’élève à au moins 28 500 individus. Le lecteur devrait noter qu’il ne s’agit que d’une estimation approximative (pour en savoir davantage sur la méthodologie employée pour en arriver à ces chiffres, voir les notes en fin d’ouvrage6 ). Néanmoins, il s’agit de la meilleure estimation sur l’itinérance élaborée au Canada à ce jour, et elle comprend les gens qui :

  1. Résident dans des refuges d’urgence pour sans-abri (14 400). Il y a environ 15 467 lits permanents dans les refuges et en 2009, une moyenne de 14 400 lits étaient occupés (Segaert, 2012:27);
  2. Résident dans des refuges pour femmes victimes de violence (7 350). En 2010, il y avait 9 961 lits pour les femmes et les enfants fuyant la violence et les abus. Cela inclut non seulement les refuges d’urgence, mais aussi les logements transitoires et de seconde étape. Lors d’un recensement ponctuel effectué le 15 avril 2010, on avait compté 7 362 lits occupés par des femmes et des enfants (Burczycka & Cotter, 2011);
  3. N’ont pas de refuge (2 880). Si l’on se base sur les données comparant l’itinérance des villes canadiennes, on arrive à une estimation de la population sans refuge. En moyenne, pour chaque centaine de personnes dans le système des refuges, 20 sont sans refuge; et,
  4. Sont dans des logements institutionnels provisoires (4 464). Parmi les communautés qui comptent une portion des personnes logées à titre provisoire, il y a 31 personnes dans cette catégorie pour chaque 100 personnes résidant dans des refuges d’urgence.

Jusqu’à 50 000 Canadiens peuvent être des « sans-abri cachés » durant toute nuit donnée

Les sans-abri cachés, souvent nommés les sans-abri qui couchent sur les divans d’amis (couch surfing), comprennent les gens qui sont logés temporairement chez des amis, de la famille ou d’autres, parce qu’ils n’ont nulle part où aller et n’envisagent pas d’avoir un logement permanent dans l’immédiat. Il n’y a pas de données fiables sur les sans-abri cachés au Canada au niveau national et il y en a très peu au niveau communautaire. Une recherche canadienne menée à Vancouver (Eberle et collab., 2009) a estimé que 3,5 personnes étaient considérées comme des sans-abri cachés pour chaque personne sans-abri. Bien que la méthodologie de cette étude était adéquate, cette dernière n’avait été menée que dans une ville, et il y a bien entendu d’énormes variantes de ville en ville, et dans l’infrastructure visant à soutenir l’itinérance et la population des sans-abri de chaque ville. En appliquant cette étude à l’échelle nationale, et avec un rapport 3:1 plus conservateur, on pourrait élever l’évaluation des sans-abri cachés à 50 000 personnes au cours de toute nuit donnée au Canada.

L’itinérance chronique - Combien de temps les gens restent sans-abri?

Pour la vaste majorité des gens qui deviennent des sans-abri, l’expérience est plutôt courte. Au Canada, la durée moyenne d’un séjour en refuge d’urgence est d’environ 50 jours. La plupart des gens sont sans-abri pendant moins d’un mois (29 % ne restent qu’une nuit) et parviennent à quitter l’itinérance d’eux mêmes, habituellement avec un peu d’aide. Pour ces personnes, l’itinérance est un événement unique dans leur vie. Les sans-abri chroniques (à long terme) ou occasionnels (entrant et sortant de l’itinérance) forment un plus petit pourcentage de l’ensemble de la population itinérante, mais en même temps utilisent plus de la moitié de l’espace dans les refuges d’urgence au Canada, et sont souvent les plus grands usagers des systèmes publics.

En nous basant sur notre estimation du nombre total de sans-abri qui fréquentent les refuges chaque année (200 000), nous pouvons prédire les chiffres suivants de sans-abri chroniques, occasionnels et transitionnels au Canada :

SANS-ABRI CHRONIQUES : 4 000 et 8 000

SANS-ABRI OCCASIONNELS : 6 000 et 22 000

SANS-ABRI TRANSITIONNELS : 176 000 et 188 000