Rentabilité de l'élimination de l'itinérance

Bien qu’il existe des motifs éthiques solides d’éliminer l’itinérance, on a également fait valoir que cela était plus rentable. Cette affirmation peut sembler contraire au sens commun, ne dépendons-nous pas de services caritatifs, d’abris d’urgence et de soupes populaires parce que nous ne pouvons pas nous permettre de loger ces personnes?

Au cours des dernières années, de nombreux chercheurs ont commencé à affirmer que la réponse actuelle à l’itinérance, qui dépend en grande partie de l’offre de services d’urgence, est en fait une solution très coûteuse à un problème apparemment irréductible. Le coût de l’itinérance comprend les coûts directs, y compris les abris et les services, et les coûts indirects (que les économistes nomment externalités), tels que l’utilisation accrue des services de santé, le maintien de l’ordre et le système de justice criminelle. Le document State of Homelessness in Canada 2013 qui a récemment été publié, affirme que le coût annuel total de notre approche actuelle s’élève à 7 milliards de dollars.

Il est plus économique de procéder différemment. Dans le rapport intitulé « The Real Cost of Homelessness – Can We Save Money by Doing the Right Thing? », on soutient qu’il reviendrait moins cher de fournir un logement et des soutiens aux personnes que de les laisser s’enliser dans l’itinérance. Lorsque les personnes restent itinérantes, leur santé se dégrade, ce qui engendre des interventions de santé plus coûteuse. Elles sont plus susceptibles d’avoir à faire avec le système de justice criminelle, car l’une de nos réponses clés à l’itinérance est la criminalisation.

Les recherches existantes se fondent sur différentes approches méthodologiques et il est essentiel de souligner que certaines des économies que nous réaliserions en faisant les choses différemment n’engendreront pas réellement une réduction des dépenses (par exemple, si les personnes itinérantes utilisent moins de services de santé, cela n’engendrera pas de réduction du budget, mais cela signifie plutôt que ces ressources seront affectées différemment). Néanmoins, la justification la plus convaincante de la modification de notre orientation en matière de logements assortis de soutiens découle du projet Chez soi/At Home, qui offre quelques analyses intéressantes qui comparent les coûts moyens en matière d’abri, de soins de santé et de justice engendrés par les personnes a qui on a appliqué l’approche Logement d’abord à ceux des personnes qui ont reçu le traitement habituel. Le projet a également réalisé une analyse qui compare les personnes dont les besoins en services sont élevés à l’ensemble du groupe. Les conclusions constituent une bonne illustration.

Par exemple, on a déterminé que la mise en œuvre de Logement d’abord exige un investissement supplémentaire de plus de 4000 $ par personne par année. Dans l’ensemble du groupe (personnes ayant des besoins élevés à faibles), on note un retour de 7 $ pour 10 $ affectés à l’initiative Logement d’abord. Si l’on se concentre uniquement sur le groupe d’utilisateurs ayant des besoins élevés (10 % de l’échantillon), qui peut être considéré comme le groupe présentant les problèmes de santé mentale et de dépendance les plus complexes, on note la réalisation d’économies encore plus importantes : pour les personnes ayant les besoins les plus élevés en services, un investissement dans Logement d’abord permet d’économiser 22 000 $ par an.