Logement d'abord

Logement d’abord est une approche axée sur le rétablissement de l’élimination de l’itinérance axée sur le placement rapide des personnes itinérantes dans des logements indépendants et permanents, et l’offre de soutiens et de services au besoin. Cette approche a tout d’abord été popularisée par Sam Tsemberis et Pathways to Housing à New York dans les années 1990, bien que d’autres programmes semblables à Logement d’abord aient émergé autre part, y compris au Canada (HouseLink à Toronto) auparavant. Le principe sous-jacent de base de Logement d’abord est que les personnes sont mieux en mesure d’avancer dans la vie si elles sont logées. Cela est vrai pour les personnes en situation d’itinérance, pour celles souffrant de problèmes de santé mentale et de dépendance pour toute autre personne. Le logement est fourni d’abord, et les soutiens sont offerts par la suite, y compris ceux liés à la santé physique et mentale, à l’éducation, à l’emploi, à l’abus de substance et aux liens avec la collectivité.

Dans L’approche Logement d’abord au Canada: Appuyer les collectivités pour mettre fin à l’itinérance, on lit, « Le logement n’est pas fonction de la préparation ou de la « conformité» (par exemple la sobriété). Il s’agit plutôt d’une intervention fondée sur les droits ancrée dans la philosophie selon laquelle toutes les personnes méritent un logement et qu’un logement adéquat est une condition préalable au rétablissement. »

Cinq principes de base régissent l’initiative Logement d'abord :

1. Accès immédiat au logement sans exigence de préparation au logement. Logement d’abord aide les clients à trouver et à obtenir un logement sûr et permanent, dès que possible. La clé de la philosophie de Logement d’abord est que les personnes et les familles ne sont pas tenues de démontrer qu’elles sont « prêtes » à obtenir un logement. Le logement n’est pas fourni sous condition de sobriété ou d’abstinence. La participation au programme est également facultative. Cette approche se démarque des approches couramment adoptées en vertu desquelles les personnes en situation d’itinérance sont placées dans des services d’urgence et doivent régler certains problèmes personnels (dépendances, santé mentale) avant d’être jugées « prêtes » pour le logement (après avoir reçu l’accès à des soins de santé ou à un traitement).

2. Choix du consommateur et autodétermination.

Logement d’abord est une approche fondée sur les droits et axée sur la clientèle qui met l’accent sur les choix de la clientèle en terme de logement et de soutiens.

  • Logement : Les clients sont en mesure de faire des choix quant au lieu et au type de logement qu’ils reçoivent (p. ex. quartier, logements concentrés, sites dispersés, etc.). Les choix peuvent être restreints par la disponibilité locale et l’abordabilité.
  • Soutiens : Les clients peuvent choisir les services qu’ils reçoivent, et la date à laquelle ils souhaitent commencer à utiliser les services.

3. Orientation du rétablissement. La pratique de Logement d’abord n’est pas simplement axée sur la réponse aux besoins de base des clients, mais sur le soutien du rétablissement. L’orientation du rétablissement est axée sur le bien-être des personnes et veille à ce que les clients aient accès à toute une gamme de soutiens qui leur permettent de réaliser et d’entretenir des activités sociales, éducatives, professionnelles, de loisirs et d’orientation.

Pour les personnes qui ont des problèmes de dépendance, l’orientation du rétablissement signifie également l’accès à un milieu de réduction des méfaits. La réduction des méfaits vise à réduire les risques et les effets nocifs associés à la consommation de substance et aux comportements qui engendrent une dépendance pour la personne, la collectivité et la société dans son ensemble, sans exiger l’abstinence. Toutefois, au sein du spectre de choix qu’offrent Logement d’abord et la réduction des méfaits, les personnes pourraient souhaiter et choisir un logement ou on n’accepte « que l’abstinence »

4. Soutiens personnalisés et axés sur le client. Une approche axée sur le client reconnaît que les personnes sont uniques, tout comme leurs besoins. Une fois logées, certaines personnes n’auront besoin que de soutiens minimums, alors que d’autres devront recevoir des soutiens jusqu’à la fin de leur vie (ceux-ci peuvent aller de la gestion de cas au traitement communautaire actif). Les personnes qui reçoivent « une gamme de services de traitement et de soutien facultatifs, personnalisés, adaptés sur le plan culturel et mobiles (p. ex. en matière de santé mentale, de consommation de substances, de santé physique, d’emploi et d’éducation) » (Goering et al., 2012:12). Les soutiens peuvent être liés à la stabilité du logement, aux besoins en matière de santé et de santé mentale, et aux aptitudes à la vie quotidienne.

Les soutiens au revenu et les suppléments au loyer sont souvent une part importante de l’offre de soutiens axés sur le client. Si les clients ne disposent pas des revenus nécessaires pour soutenir leur logement, leur location, leur santé et leur bien-être pourraient être en danger. Les suppléments au loyer pourraient permettre de s’assurer que les personnes ne consacrent pas plus de 30 % de leur revenu à leur loyer.

Il est essentiel de garder à l’esprit la philosophie centrale de Logement d’abord, qui est de commencer par fournir aux personnes les soutiens dont elles ont besoin, si elles le choisissent. L’accès au logement n’est pas fourni à condition d’accepter un type de service particulier.

5. Intégration sociale et communautaire. Une partie de la stratégie de Logement d’abord consiste à aider les personnes à intégrer leur collectivité, et cela exige un engagement favorable sur le plan social et la possibilité de participer à des activités significatives. Si les personnes sont logées et deviennent ou demeurent isolées sur le plan social, la stabilité de leur logement pourrait être compromise. Les caractéristiques clés de l’intégration sociale et communautaire sont les suivantes :

  • Séparation du logement et des soutiens (sauf dans le cas des logements de soutien).
  • Modèles de logement qui ne stigmatisent pas et n’isolent pas les clients. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’approche des sites dispersés est préférable.
  • Possibilités d’engagement social et culturel soutenues grâce à un emploi et à des activités d’orientation et de loisirs.

Bien que dans l’idéal tous les programmes de Logement d’abord devraient posséder ces éléments essentiels, la façon dont le modèle est appliqué varie grandement en fonction de la population servie, de la disponibilité des ressources et d’autres facteurs liés au contexte local. Il n’y a pas d’approche unique de Logement d’abord.

L’application de Logement d’abord

Afin de pleinement comprendre la façon dont Logement d’abord est appliqué dans différents contextes, il est essentiel de tenir compte des différents modèles. Bien qu’il existe des principes de base qui guident son application, il convient de faire la différence entre Logement d’abord selon que l’on se réfère à : a) une philosophie ; b) une approche des systèmes ; c) des modèles de programmes; d) des interventions en équipe. À titre de philosophie, Logement d’abord peut constituer un principe directeur pour une organisation ou une collectivité qui donne la priorité au placement des personnes dans un logement permanent avant de leur fournir d’autres soutiens. Logement d’abord peut être considéré comme faisant partie d’une approche des systèmes lorsque la philosophie fondamentale et les principes de base de Logement d’abord sont appliqués et diffusés dans l’ensemble des modèles de systèmes intégrés de prestation des services. Logement d’abord peut être plus particulièrement considéré comme un programme en cas d’application à titre de modèle de prestation des services ou d’un ensemble d’activités fournies par une organisation ou un organisme gouvernemental. Enfin, il faut tenir compte des équipes de Logement d’abord qui sont conçues pour répondre aux besoins de populations ciblées particulières, définis par les caractéristiques de la sous-population (âge, statut ethnoculturel, par exemple), ou par la gravité des difficultés physiques, mentales et sociales auxquelles les personnes font face. Cela comprend ce qui suit :

  • Les Équipes de TCA (Traitement communautaire actif) sont conçues pour fournir des soutiens communautaires complets aux clients ayant des problèmes complexes de santé mentale et de dépendance, et peuvent aider les personnes à accéder à un traitement psychiatrique et au rétablissement. Ces équipes peuvent comprendre des médecins et d’autres fournisseurs de soins de santé, des travailleurs sociaux et des travailleurs du soutien par les pairs.
  • Les équipes de GCG (Gestion de cas graves) sont constituées pour soutenir les personnes qui souffrent de problèmes de santé et de dépendance moins graves au moyen d’une approche personnalisée de la gestion de cas. L’objectif de la gestion de cas est d’aider les clients à maintenir leur logement et à obtenir une qualité de vie optimale grâce à l’élaboration de plans, à l’amélioration des aptitudes à la vie quotidienne, à la réponse aux besoins en matière de santé et de santé mentale, à la participation à des activités significatives et à l’établissement de liens sociaux et avec la collectivité.

Quel type de logement?

L’un des principes clés de Logement d’abord est le Choix du consommateur et l’autodétermination. En d’autres termes, les personnes devraient pouvoir choisir quel type de logement elles reçoivent et où celui-ci est situé. Le modèle Pathways donne la priorité à l’utilisation de logements dans des sites dispersés, ce qui comprend la location d’unités sur les marchés de location indépendants privés. L’un des avantages de cette approche est qu’elle offre plus de choix aux clients et qu’elle pourrait constituer une solution moins stigmatisante (Barnes, 2012). Elle est conforme aux préférences du consommateur de vivre dans un milieu communautaire. D’un point de vue financier, il est avantageux que le coût en capital du logement soit absorbé par le secteur privé. Dans d’autres cas, on utilise des modèles de logement collectifs, dans lesquels de nombreuses unités sont regroupées dans un seul bâtiment, et qui ont notamment pour avantage d’offrir des soutiens sur appel et parfois une sensation accrue d’appartenance à la collectivité. Dans certains contextes nationaux (Australie, de nombreux pays européens), le logement social est plus couramment utilisé pour fournir un logement aux personnes des programmes de Logement d’abord. Dans ces contextes, on dispose d’un stock plus facilement disponible de logements sociaux et le fait de vivre dans des bâtiments réservés aux locataires à faible revenu pourrait ne pas être stigmatisant. Enfin, certains clients de Logement d’abord dont les besoins en matière de santé et de santé mentale sont graves et chroniques pourraient nécessiter un logement de soutien permanent (LSP), un modèle plus intégré de logement et de services destinés aux personnes ayant des problèmes complexes et cooccurrents, dans lequel les services cliniques et le rôle de propriétaire sont assumés par la même organisation.

Quels types de soutien?

Logement d’abord comprend en général trois types de soutien – Les aides au logement : L’intervention initiale de Logement d’abord vise à aider les personnes à obtenir et à conserver leur logement, d’une façon qui tient compte des préférences et des besoins des clients, et qui assure l’adéquation du logement. Les aides au logement clés comprennent le repérage d’un logement adéquat, le soutien des relations avec les propriétaires, la présentation de demandes de subventions du logement et la gestion de celles-ci, et l’aide à l’installation dans les appartements. Les soutiens cliniques comprennent toute une gamme de soutiens conçus pour améliorer la santé, la santé mentale et les soins sociaux du client. Les équipes de Logement d’abord parlent souvent d’une approche axée sur le rétablissement des soutiens cliniques conçue pour améliorer le bien-être, atténuer les effets des problèmes de santé mentale et de la dépendance, améliorer la qualité de la vie et favoriser l’autonomie. Les soutiens complémentaires visent à aider les personnes et les familles à améliorer leur qualité de vie, à intégrer la collectivité et potentiellement à atteindre l’autonomie. Ils peuvent comprendre : les aptitudes à la vie quotidienne, la participation à des activités significatives et la mobilisation (sociale) de la collectivité.

L’approche Logement d’abord fonctionne-t-elle?

En seulement quelques années, le débat sur l’efficacité de Logement d’abord a pris fin. L’ensemble des recherches réalisées aux États-Unis, en Europe et au Canada atteste de la réussite de ce programme, et ce dernier est désormais réellement décrit comme la « pratique exemplaire ».

Le projet Chez Soi/At Home, financé par la Commission de la santé mentale du Canada est l’examen le plus complet au monde de Logement d’abord. Un contrôle randomisé a été réalisé dans lequel 1000 personnes ont participé à Logement d’abord et 1000 personnes ont reçu le « traitement habituel ». Les résultats sont frappants : vous pouvez prendre une personne qui se trouve dans la situation d’itinérance chronique la plus grave et atteinte de problèmes de santé mentale et de dépendance complexes et la mettre dans un logement assorti de soutien, et devinez quoi, elle reste logée. Plus de 80 % des personnes qui ont bénéficié de l’approche Logement d’abord étaient encore dans leur logement après la première année. Pour beaucoup d’entre elles, l’utilisation des services de santé a baissé à mesure que leur santé s’est améliorée. Les problèmes avec la justice ont également diminué. On a beaucoup mis l’accent sur l’engagement social et communautaire dans le cadre de l’orientation du rétablissement de Logement d’abord et on a aidé de nombreuses personnes à établir des liens et à développer une meilleure estime de soi.

Le livre Housing First in Canada souligne huit études de cas réalisées au Canada qui attestent de l’efficacité globale de Logement d’abord, en particulier lorsqu’on compare cette approche à celle du « traitement d’abord ».

Certaines questions clés doivent encore être réglées pour établir les pratiques, les philosophies, les programmes et les politiques de Logement d’abord dans tout le pays.

  • Avec quel degré d’efficacité les programmes de Logement d’abord démontrent-ils la fidélité aux principes du modèle? On presse de plus en plus les collectivités à adopter le modèle Logement d’abord. Il est important d’examiner les questions de fidélité aux principes fondamentaux (indiqués ci-dessus) pour veiller à ce que les collectivités appliquent Logement d’abord, au lieu de « loger d’abord ».
  • Quel est le lien entre Logement d’abord et l’offre de logements abordables? Bien que les études de cas réalisées dans Housing First in Canada aient démontré qu’il était possible d’élaborer un programme efficace de Logement d’abord même dans un marché du logement difficile, elles ont principalement obtenu des réussites grâce à l’utilisation de suppléments au loyer permettant d’accroître l’abordabilité. Les partenariats avec les propriétaires privés existants se sont également révélés très importants. Il existe toutefois une pénurie de logements abordables au Canada, en particulier de logements sûrs et abordables. Un investissement concomitant dans des logements abordables est nécessaire pour mettre fin à l’itinérance.
  • Comment répond-on aux besoins des sous-populations grâce à Logement d’abord? Les recherches existantes ont clairement montré qu’une solution unique ne convient pas. Toutefois, Logement d’abord peut être adapté à la plupart des collectivités et des sous-populations. Des besoins uniques exigent des réponses uniques. Ce qui fonctionnera à Victoria pourrait ne pas fonctionner à Montréal. Ce qui fonctionne pour les adultes seuls pourrait ne pas fonctionner pour les jeunes. L’adaptation du programme aux besoins d’une sous-population particulière est essentielle à la réussite. Une période de transition peut être nécessaire pour aider certaines sous-populations à s’adapter au logement après avoir vécu dans la rue ou dans des abris.
  • Quelle est la durée ou la portée des soutiens, et qui est chargé de les financer? Dans certains cas, les programmes de Logement d’abord fournissent un investissement limité dans le temps dans les soutiens, qui peut durer d’un à trois ans. Pour les personnes qui ont besoin de soutien continu, les modèles efficaces d’engagement continu auprès des services généraux doivent être examinés.
  • Une fois logées, les personnes reçoivent-elles continuellement un revenu adéquat pour répondre à leurs besoins de base? L’un des objectifs de la plupart des collectivités est que les personnes logées ne consacrent pas plus de 30 % de leur revenu à leur loyer. L’utilisation de supplément du revenu est essentielle pour veiller à ce que les personnes puissent survivre et prospérer dans leur logement. Dans de nombreux cas, les personnes peuvent « réussir » le programme Logement d’abord dans la mesure où elles n’ont plus besoin de soutiens actifs, mais qu’elles ont besoin d’une aide financière continue.

AUTEUR : Gaetz, Stephen (2013) Homeless Hub.

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1 Adapté à partir du projet Chez Soi/At Home.