Aborder les questions juridiques et liées à la justice

L’une des principales difficultés liées au travail avec les personnes itinérantes est de régler leurs problèmes juridiques et avec la justice, dont la portée est variée et complexe. Cela comprend non seulement le traitement des interactions de la personne avec la police, les tribunaux et les services correctionnels, dans certains cas en conséquence d’activités illégales, mais aussi leurs expériences à titre de victimes de crimes. Cela comprend également la résolution des difficultés auxquelles les personnes peuvent faire face lorsqu’elles ont à faire avec des employés ou des propriétaires peu scrupuleux, et l’aide en vue de régler les problèmes liés aux droits de la famille et à l’immigration. Un soutien juridique solide est souvent difficile à obtenir pour les personnes qui ont peu ou pas de revenus, et dans la plupart des administrations, le type de soutien que les cliniques d’aide juridique peuvent offrir est souvent très limité. Justice for Children and Youth, à Toronto, fournit un modèle de soutien intéressant (voir ci-dessous).

Programme de Justice for Children and Youth (Toronto)

Justice for Children and Youth (JFCY) est une clinique d’aide juridique située en Ontario qui fournit une représentation juridique aux jeunes de l’Ontario âgés de 17 ans et moins dans les domaines de la protection de l’enfance, du maintien du revenu, du crime, du droit constitutionnel, des droits de la personne et des lois en matière de santé. Au cours des douze dernières années, JFCY a soutenu Street Youth Legal Services (SYLS), un programme novateur qui offre des conseils juridiques, une représentation, des renvois et de l’information aux jeunes des rues âgés de 16 à 24 ans, grâce à des ateliers et à des consultations individuelles.

Mission et objectifs :

Fournir des renseignements et des connaissances aux jeunes de la rue et au personnel des organismes qui les servent d’une façon qui surmonte les obstacles juridiques. Éduquer les jeunes au sujet de la valeur de la loi et leur permettre de faire valoir leurs droits. Travailler avec les jeunes et les organisations qui les servent pour lancer des activités de développement communautaire en vue de répondre aux changements systémiques. Participer à des activités de défense et de recherche visant à répondre aux changements systémiques.

Modèle de programme

SYLS est un programme à quatre volets qui intègre des conseils individuels et une représentation, l’information, le développement communautaire et la réponse aux changements systémiques. En utilisant un modèle de communication, le projet fournit des renseignements juridiques et des services directement aux jeunes de la rue par l’intermédiaire de centres de jour et d’abris, lieux où les jeunes se rassemblent pour accéder aux autres services, tels que les soins de santé, la nourriture, l’aide à l’emploi et le counselling. Il aide également à mettre les jeunes en contact avec une représentation juridique continue s’ils en ont besoin. En se fondant sur un modèle de partenariat, SYLS fournit une formation et des services de consultation gratuits aux nombreux organismes avec qui il travaille. En outre, SYLS fournit des services de défense au nom de la population de jeunes des rues en participant au développement de la collectivité et aux activités de réforme de la loi. Il organise des ateliers importants sur une large gamme de thèmes, y compris les contacts avec la police, le traitement des accusations criminelles, les dossiers des adolescents, la compensation des victimes, les plaintes du public, les droits des locataires, les relations avec les propriétaires, l’aide à l’emploi, la famille et les problèmes liés à l’immigration.

L’évaluation du programme SYLS confirme son efficacité et la nécessité de ce type de service et de soutien.

L’offre d’un soutien aux personnes en situation d’itinérance est plus que l’intervention auprès des personnes et la défense de celles-ci. Il s’agit également de redéfinir le rôle et l’utilisation de l’application de la loi relativement à l’itinérance des jeunes. Cette affirmation tient pleinement compte du rôle établi des services de police, des tribunaux et des services correctionnels dans notre société. Malheureusement, l’une des conséquences de la montée de l’itinérance comme un « problème » visible est que dans de nombreuses collectivités, l’application de la loi devient une stratégie utilisée pour répondre à ce qui est essentiellement un problème social et économique. Les appels demandant à la police de donner des amendes ou de « déplacer les personnes » vont souvent de pair avec des lois qui redéfinissent les activités courantes auxquelles participent les personnes itinérantes, comme le fait de dormir dans les parcs ou de faire la manche, comme illégales. Ces politiques et pratiques, visant à rendre les personnes itinérantes moins « visibles » ou dérangeantes pour le public, les commerces locaux et les politiciens, sont jugées être une « criminalisation de l’itinérance ».

Le réoutillage de la réponse ne signifie pas simplement faire de nouvelles choses, mais également arrêter de faire ce qui ne fonctionne pas et qui est clairement contre-productif. Une quantité considérable de preuves montre que la criminalisation de l’itinérance a de nombreuses conséquences négatives sur les personnes concernées, notamment des amendes accablantes qui ne disparaissent pas, des contacts traumatiques qui minent les relations avec la police, et potentiellement des séjours en prison. Tout cela peut en réalité empêcher d’aider les personnes à avancer dans la vie. Il faut également souligner que la criminalisation de l’itinérance est une façon très coûteuse de traiter le problème, en raison des coûts associés aux services de police, au temps des tribunaux et aux séjours des personnes itinérantes en prison. Il s’agit tout simplement d’une mauvaise politique et d’une mauvaise pratique.

Certaines collectivités ont élaboré des réponses novatrices à la criminalisation de l’itinérance. Celles-ci comprennent de nouvelles approches de l’application de la loi qui donnent la priorité au fait d’aider les personnes à établir des liens avec les services et soutiens communautaires adéquats, à titre de solution de rechange aux amendes et aux incarcérations. De même, certaines collectivités ont élaboré des stratégies novatrices qui répondent au fait que l’accumulation d’accusations mineures devienne un obstacle à la sortie des personnes de la rue. De nombreuses personnes itinérantes accumulent des dettes importantes qui peuvent s’élever à des milliers de dollars. Dans certaines administrations américaines, « des tribunaux pour personnes itinérantes » ont été créés, semblables aux « tribunaux consacrés en matière de drogue », dans lesquelles grâce auxquels les personnes peuvent bénéficier d’une réduction ou d’une élimination des accusations en échange de services communautaires. Enfin, certaines collectivités ont élaboré des stratégies de contournement qui comprennent le retrait des accusations, afin d’aider les personnes itinérantes à réduire ou à éliminer la dette qu’ils ont accumulée en amendes.

DE : Gaetz, S. (2014). Coming of Age - Reimagining the Response to Youth Homelessness in Canada. Homeless Hub Research Report Series.