Réoutiller les services d'urgence

De nombreuses collectivités ont continué à dépendre des services d’urgence, tels que les abris et les programmes de jour, qui sont au centre de leur méthode de lutte contre l’itinérance. L’une des conséquences est que de nombreuses personnes s’enlisent dans l’itinérance pour une longue période de temps, et que ces services qui n’étaient conçus que pour fournir des soutiens temporaires, à court terme, deviennent des « solutions » à long terme. À mesure que de nombreuses collectivités passent à des méthodes de lutte contre l’itinérance qui mettent l’accent sur la prévention et à des modèles de logement et de soutien solides (tels que Logement d’abord), nous devons redéfinir le rôle des services d’urgence. Alors que nous repensons notre approche de l’itinérance, il est important de noter que nous devrons toujours assurer une réponse solide aux situations de crise, car quelle que soit la solidité des stratégies de prévention, il y aura toujours des situations et des événements en raison desquels des personnes se retrouveront sans logement et sans soutien. Toutefois, les services de réponse aux situations d’urgence ne peuvent pas former à elles seules la base de notre plan de lutte contre l‘itinérance.

C’est pourquoi, lorsque nous disons que nous devons réoutiller le système, il ne s’agit pas réellement d’une critique du secteur d’urgence, mais plutôt d’un appel à la réorientation de la réponse, pour que son mandat consiste à soutenir des modèles d’intervention précoce axés sur la prévention et des stratégies aidant à installer les personnes dans des logements, en leur fournissant des soutiens adaptés. Au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, pays qui font tous face à un problème important d’itinérance depuis bien plus longtemps que le Canada, il s’est produit un changement de paradigme de la lutte contre l’itinérance, qui a engendré notamment le réoutillage des services d’urgence. C’est également le cas dans les collectivités canadiennes qui ont réussi l’adoption des approches planifiées de l’élimination de l’itinérance, qui ont engendré une réduction du problème (collectivités en Alberta, par exemple). Cela a exigé l’établissement d’une nouvelle politique et d’un nouveau cadre qui récompense le secteur de la réponse aux situations d’urgence pour fournir des solutions à long terme aux personnes qui font face à l’itinérance, plutôt que pour des extrants, tels que le nombre de lits occupés ou le nombre de personnes qui utilisent un programme de jour, par exemple.

  Un secteur réoutillé et reconverti va de pair avec un engagement à éliminer l’itinérance, et permettra ce qui suit :

  • Faire en sorte que les personnes qui entrent en contact avec le secteur de l’itinérance sont évaluées et reçoivent des soutiens en vue de rentrer chez eux ou d’emménager dans un logement le plus vite possible.
  • Adopter une approche axée sur le client de la gestion de cas par rapport aux personnes et aux familles qui entrent dans le système et veiller à ce que ces personnes fassent l’objet d’un suivi à mesure qu’elles cheminent vers la sortie du système.
  • Financer et récompenser les fournisseurs de services pour faire de la prévention et du relogement rapide une priorité des services, et pour axer les efforts des services d’urgence sur le raccourcissement de l’expérience d’itinérance.
  • Intégrer « Logement d’abord » et les soutiens de logement de transition pour travailler avec les clients en situation d’itinérance chronique ou de longue durée.
  • Élaborer une orientation solide en matière de communication, afin de faire entrer dans le système des personnes qui n’étaient pas connectées dans le passé et de faire du relogement rapide une priorité pour elles.
  • Investir dans des abris de plus petite taille et dispersés qui offrent des chambres individuelles avec des portes verrouillables.

Dans le cadre du réoutillage de la réponse aux situations de crise au Royaume-Uni et en Australie, les abris d’urgence ne sont pas jugés être différents des approches ou stratégies de prévention qui aident les personnes à emménager dans un logement stable, mais visent plutôt à faciliter ces résultats. En d’autres termes, alors qu’au Canada on voit souvent le secteur de l’itinérance comme discret, tant pour ce qui est de l’endroit dont proviennent les personnes que pour l’endroit où elles vont, ailleurs, les services d’urgences sont établis de façon explicite comme des outils qui soutiennent la prévention et le relogement rapide, et qui aident les personnes à emménager dans un logement autonome et à y rester. Les abris d’urgence doivent être considérés comme faisant partie du continuum des soins, avec la participation et le soutien des services d’urgences à la prévention et à l’intervention précoce décrites dans la section précédente, mais également en quelque sorte comme ce qui devient le chemin vers un modèle de logement de soutien. La réponse aux situations de crise n’est alors pas différente des approches de la prévention et des logements, mais les appuie.

DE : Gaetz, S. (2014). Coming of Age - Reimagining the Response to Youth Homelessness in Canada. Homeless Hub Research Report Series.