Royaume-Uni

Le Royaume-Uni – Réponse nationale à l’itinérance

Au Royaume-Uni, la réponse nationale à l’itinérance est fondée sur un modèle d’État-providence bien plus solide. Les citoyens ont accès à une gamme bien plus vaste de soutiens économiques, sociaux et de santé qu’au Canada et aux États-Unis, bien que cela ait commencé à changer sous le gouvernement conservateur actuel, qui met en œuvre des mesures d’austérité. La réponse à l’itinérance au Royaume-Uni est passée d’une vision plus étroite de la réponse aux situations d’urgence à une vision plus stratégique, et est axée sur la prévention (intervention précoce) et le logement. Il faut noter que la stratégie de réponse à l’itinérance varie grandement entre l’Écosse, l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irelande du Nord.

En 1977, la Housing (Homeless Persons) Act a été établie. Elle exigeait des autorités locales (paliers inférieurs de gouvernement) qu’ils logent en permanence certaines catégories de personnes itinérantes. Cette loi visait les groupes prioritaires, y compris les familles, les personnes seules « vulnérables », et les personnes devenues itinérantes à la suite d’une urgence (un feu, par exemple). L’exigence pour les autorités locales de loger ces personnes est entrée en vigueur à un moment où la disponibilité des logements abordables et sociaux diminuait (années Thatcher), ce qui augmentait l’itinérance, la fréquentation des abris d’urgence et l’utilisation des chambres d’hôtes comme solution de logement. En 1987, 11 000 personnes vivaient dans ce type de logements (contre 1000 dix ans auparavant), qui étaient décrits comme étant de mauvaise qualité.

En 1990, le gouvernement central a lancé la Rough Sleepers Strategy; une stratégie visant les personnes itinérantes qui dormaient dans la rue. Cette stratégie comprenait : a) la communication, b) une approche de la « gestion de cas », c) des objectifs. Son but était de réduire le nombre de personnes qui dormaient dans la rue de deux tiers, ce qui a été réalisé en 2002. Les personnes devaient être évaluées et renvoyées vers des organismes sans but lucratif et des organismes gouvernementaux.

Un changement important s’est produit au tournant du siècle, sous le premier ministre Tony Blair. La Homelessness Act 2002 (pour l’Angleterre et le Pays de Galles) et la Housing Act 2001 (Écosse) ont établi une stratégie nationale visant à répondre à l’itinérance et ont exigé des autorités locales qu’elles réalisent un examen de l’itinérance dans leur zone, et qu’elles lancent une stratégie quinquennale de lutte contre l’itinérance un an plus tard (juillet 2013) en vue de répondre aux problèmes repérés par l’examen.

Les autorités locales ont donc été tenues de fournir des conseils et des renseignements en matière de logement à tous les citoyens et d’établir un service efficace de lutte contre l’itinérance. La loi a également souligné la nécessité pour les autorités locales de collaborer avec les autres organismes gouvernementaux, sans but lucratif et privés en vue de répondre plus efficacement à l’itinérance.

Voici quelques points clés :

  • Les lois soulignent une distinction quant au niveau de responsabilité légale comme façon de prioriser les besoins. Par exemple, elles établissent la différence entre « l’itinérance statutaire », populations à risque élevé pour lesquelles le gouvernement a l’obligation légale de fournir un logement parce qu’elles sont à la fois itinérantes et en situation de nécessité prioritaire, et « l’itinérance non statutaire », qui donne accès à d’autres avantages.
  • La stratégie comprend le renouvellement de la Rough Sleepers Initiative. Elle est également fortement axée sur la prévention et est ainsi en avance par rapport à d’autres. La stratégie met également l’accent sur le fait que lorsque cela est possible, les personnes itinérantes devraient être relogées dans leur collectivité d’origine, ce qui est devenu quelque peu controversé, car cette stratégie ignore l’importance des bouleversements économiques par rapport à la création de l’itinérance. En d’autres termes, les personnes itinérantes ont été obligées de déménager là où les emplois se trouvaient.

L’approche adoptée au Royaume-Uni a également été critiquée, car pour accéder aux services, « les personnes doivent d’abord être acceptées comme itinérantes, afin de pouvoir recevoir une aide adaptée à leurs besoins prioritaires, mais ces besoins sont déterminés par une évaluation de la vulnérabilité des personnes par rapport à d’autres personnes. » (Minnery et Greenhalgh, 2007:650) On craignait que : a) les personnes ne comprennent pas facilement la notion d’itinérance intentionnelle, et b) que les personnes ne fassent pas la démarche de se déclarer comme tel, de crainte de ne pas être priorisées.

En 2005, le gouvernement du Royaume-Uni a publié le document suivant : Sustainable Communities: Settled homes; changing lives. A strategy for tackling homelessness. Cette stratégie souligne l’objectif consistant à réduire de moitié le nombre de ménages vivant dans des logements insalubres d’ici 2010, grâce aux mesures ci-dessous :

  • prévenir l’itinérance;
  • offrir un soutien aux personnes vulnérables;
  • traiter des causes et symptômes plus généraux de l’itinérance;
  • aider plus de personnes à sortir de la rue;
  • permettre la stabilisation de plus de foyers.

Un plan d’action détaillé a été établi pour chacun de ces objectifs. Pour appliquer cette stratégie, on prévoit de prendre les mesures suivantes :

  • augmenter le financement lié à l’itinérance de 23 %, soit le faire passer de 60 millions de livres à 74 millions de livres d’ici 2007-2008;
  • soutenir les mesures qui fonctionnent d’après une évaluation des nouvelles initiatives élaborées et mises à l’essai grâce à notre financement au cours des trois dernières années;
  • étudier les changements apportés aux lois sur l’itinérance de façon à améliorer l’offre et l’adoption de services de prévention et de possibilités de logement;
  • appliquer notre programme dans tout le gouvernement sous la supervision du comité ministériel sur l’itinérance;
  • offrir de meilleurs services dans les auberges grâce à un programme d’amélioration de 80 millions de livres en vue de s’assurer que l’on puisse aider les personnes à sortir de la rue et de l’itinérance plus rapidement et de façon permanente;
  • accroître l’offre de nouveaux logements sociaux de 50 % et mieux exploiter les stocks sociaux et privés existants pour fournir des logements permanents;
  • élaborer des initiatives fondées sur les régions;
  • soutenir les autorités locales, les organismes du secteur bénévole, les propriétaires, les utilisateurs de services de lutte contre l’itinérance et autres, et travailler en collaboration avec eux;
  • améliorer les renseignements au sujet de l’itinérance à l’appui de solutions plus efficaces.

Au cours des dernières années, le gouvernement du Royaume-Uni a renouvelé sa Rough Sleepers Strategy (2011) et a introduit une stratégie de prévention (2012) qui souligne la nécessité de la collaboration interministérielle. L’approche du Royaume-Uni doit être soulignée en raison du passage de l’orientation à la prévention, de l’augmentation de l’offre de logements abordables, de l’appui des partenariats et de la collaboration, et de l’évolution constante du rôle des abris d’urgence, qui ne sont plus des résidences temporaires à long terme. Selon la vision en évolution du système d’abri d’urgence au Royaume-Uni, les abris devraient être de plus petite taille, les personnes devraient disposer de chambres individuelles munies de portes verrouillables, et les séjours dans le système d’abri devraient être aussi courts que possible.

En raison du changement de gouvernement, le sort des réformes britanniques dans le domaine de l’itinérance est remis en question.