Je suis une mère seule de cinquante ans et j’ai un fils de treize ans

Je suis une mère seule de cinquante ans et j’ai un fils de treize ans. Je suis arrivée au Canada en 2006. Voici mon histoire. Je suis un Témoin de Jéhovah et en raison du choix de ma religion, j’ai vécu l’histoire suivante. Mon pays natal est l’Érythrée, un pays africain situé au nord du Soudan. Je n’ai jamais reçu d’éducation formelle dans mon pays natal et lorsque j’ai choisi de me convertir à cette religion, j’ai dû le faire en secret. J’ai caché mes croyances de ma famille et de la société érythréenne puisque cette religion n’est pas tolérée et que ses membres font souvent l’objet de discrimination et de persécution. Lorsque ma famille a découvert mon secret, elle m’a lancé un ultimatum : soit je quittais les Témoins de Jéhovah ou je devais quitter la maison. L’ultimatum de ma famille et ma peur de la société érythréenne en général m’a poussée à quitter la maison en 1995 et je me suis rendue au Soudan en tant que réfugiée.

Lorsque j’étais au Soudan, j’ai rencontré mon futur époux. Malheureusement, je devais toujours cacher mon choix de religion et je ne connaissais pas d’autres Témoins de Jéhovah auxquels je pouvais me confier. Mon mari a obtenu un emploi en Arabie Saoudite et nous y avons déménagé. Il est strictement interdit de pratiquer toute autre religion que celle de l’Islam en Arabie Saoudite. Pendant très longtemps, je n’ai pas rencontré d’autres Témoins et j’étais contrainte à dissimuler ma foi. Plus tard, au cours d’une fête, j’ai rencontré une femme qui elle aussi était un Témoin de Jéhovah. Nous avons alors commencé à nous rencontrer en secret pour prier aux ambassades américaine et italienne, et quelques fois chez moi lorsque mon mari était au travail.

En 1998, j’ai commis une imprudence en ayant laissé trainer des notes et de la documentation sur ma religion et mon mari a découvert que j’en étais membre. Il m’a immédiatement dénoncée aux autorités et a demandé à divorcer. J’étais une femme divorcée avec un enfant et je n’avais pas le droit de travailler. Je n’avais ni revenu ni les moyens de subvenir aux besoins de mon enfant. Mes connaissances et mon église ont essayé de me venir en aide, mais je n’avais cependant toujours pas assez à manger. J’étais à nouveau très effrayée, mais je n’ai pas osé reprendre le contact avec ma famille en Érythrée sachant bien qu’elle m’avait de toute façon reniée.

Un prince arabe a eu pitié de moi et m’a appuyée financièrement pour que je puisse me rendre aux États-Unis, et plus précisément au Dakota du sud où j’ai reçu l’aide d’un cousin. J’étais enfin libre de pratiquer ma religion. Même si je ne parlais pas l’anglais, j’ai malgré tout réussi à me faire de nouveaux amis et j’ai été en mesure de participer régulièrement aux services religieux. En raison de mon anglais médiocre, je ne pouvais trouver que des emplois mal payés. Ma demande d’asile fut refusée par le système d’immigration américain à plusieurs reprises, et j’ai dû engager un avocat pour contester la décision à chaque fois.

En 2006, on m’a fait savoir que d’autres Érythréens dans la même situation que moi allaient se rendre à la frontière canadienne à Buffalo, et allaient contacter le foyer d’accueil de la région. Il m’est impossible de retourner dans mon pays natal. Je serais discriminée et on me prendrait mon fils pour qu’il aille à l’armée, ce qui va à l’encontre de mes croyances religieuses. Nous sommes arrivés au Canada et avons voyagé jusqu’à London en Ontario, où nous vivons toujours aujourd’hui. Lorsque nous sommes arrivés, je n’avais pas de domicile et que très peu de possessions et nous sommes restés dans un foyer pour familles. Le personnel du foyer et des agences communautaires locales nous ont aidé à trouver un logis et du travail dans le domaine du système d’immigration. Nous sommes restés dans ce foyer pendant près de deux mois et nous avons eu la chance d’obtenir une place dans un logement subventionné à loyer indexé sur le revenu. Les loyers sont tellement élevés à London qu’il est très difficile de trouver un logement abordable et sécuritaire.

À l’heure actuelle, je reçois l’appui de l’aide sociale et j’ai le privilège de pouvoir étudier l’anglais. J’ai été analphabète toute ma vie. Je suis heureuse d’apprendre la langue et j’ai grande hâte de pouvoir apporter ma contribution à la société canadienne. Chaque jour je prie pour que notre demande d’immigration soit acceptée, car je vis tous les jours avec la frayeur d’un refus. Par contre, je n’ai plus à avoir peur de pratiquer ma religion. Merci d’avoir pris le temps de lire mon histoire.

Date de publication: 
2007
Nouvel emplacement: 
London, Ontario, Canada