En prévision de l’élection fédérale canadienne du 20 septembre, le Parti conservateur du Canada a dévoilé sa plateforme électorale, qui comprend plusieurs mesures liées au logement; notamment celle de construire un million de domiciles pendant les trois premières années d’un gouvernement conservateur.

En voici 10 faits saillants.

1. La plateforme contient une affirmation sur l’offre actuelle de logement qui pourrait induire en erreur. Les conservateurs allèguent que la « cause principale » du manque de logement abordable est que « l’offre ne suit tout simplement pas la demande ». S’il est vrai qu’il n’y a pas suffisamment de logements subventionnés au Canada (pour les ménages à faible revenu), il pourrait être trompeur d’affirmer qu’un manque de logement généralisé dans le marché immobilier est responsable de la flambée des prix (George Fallis défend bien l’inverse dans cet article en anglais).

2. Les conservateurs soulignent un lien important entre le logement et le transport en commun. Ils promettent de créer du transport en commun qui « dessert les endroits où les gens achètent des habitations » et ils exigent que « les municipalités recevant un financement fédéral pour le transport en commun augmentent la densité près de l’infrastructure financée ». Je suis déçu que la plateforme ne mette pas l’accent sur l’importance de situer le logement locatif à proximité du transport public, surtout celui appartenu par des organismes à but non lucratif (dont les coopératives)[1].

3. Le parti s’engage à libérer des édifices fédéraux pour en faire du logement. Les conservateurs soutiennent que le gouvernement fédéral est propriétaire de plus de 37 000 édifices et disent vouloir en libérer « au moins 15 % » pour des fins de logement. L’idée a du mérite. D’ailleurs, sous le maire John Tory, la ville de Toronto s’est servie de terrains publics — sous-utilisés ou vacants — pour des fins de logement abordable à travers l’initiative Housing Now (lien en anglais).

4. Les conservateurs permettraient aux Canadiens de différer l’impôt sur les gains en capital lorsqu’ils vendent et rachètent une propriété servant au logement locatif. Ni les sociétés ni les individus ne seraient tenus de payer cette taxe sur la vente d’une propriété jusqu’à ce qu’ils se retirent complètement du logement locatif. Une telle mesure encouragerait probablement l’achat de logement locatif par les deux types d’acheteurs. Toute une gamme d’organismes et d’individus — représentant le secteur à but lucratif et non lucratif — milite en faveur d’une telle mesure (lien en anglais).

5. Le parti propose d’améliorer l’usage des fiducies foncières communautaires pour le logement abordable. Il le ferait en permettant que les « entreprises et les propriétaires privés donnent des propriétés afin de construire des logements abordables ». Vous pouvez vous renseigner davantage sur les fiducies foncières communautaires ici (lien en anglais).

6. Les conservateurs veulent remédier à la spéculation foncière. Ils veulent freiner le blanchiment d’argent en révisant certaines lois, en augmentant le pouvoir des services policiers, et en établissant un registre des propriétés résidentielles. Ils veulent aussi bannir l’achat de domiciles au Canada par les non-résidents pendant une période d’essai de deux ans. Ces mesures visent apparemment à réduire le prix de vente des maisons.

7. Les conservateurs veulent « encourager les investissements étrangers dans des logements locatifs destinés au marché ». Cette mesure est peut-être là pour faire contrepoids à la proposition discutée au point no. 6. Je la trouve néanmoins curieuse — il existe déjà suffisamment de propriétaires privés de logements au Canada. Pourquoi ne pas encourager les logements à but non lucratif (incluant l’acquisition de logements privés existants – lien en anglais) au lieu?

8. La plateforme contient plusieurs engagements à l’égard des hypothèques. Les conservateurs faciliteraient l’accès à la propriété pour les Canadiens habitant des villes moins abordables. Ils supprimeraient la nécessité de faire une analyse du risque de défaillance des prêts hypothécaires lorsque les propriétaires renouvellent leur hypothèque chez un nouveau prêteur. De même, le parti veut encourager « un nouveau marché d’hypothèques de sept à dix ans […]

9. Le plan fait l’éloge de l’approche Logement d’abord, mais il met également l’accent sur le traitement des problèmes de dépendance comme façon d’enrayer l’itinérance (ce qui est quelque peu contradictoire). Le Logement d’abord veut que les personnes en situation d’itinérance soient d’abord logées sans nécessiter la sobriété ou un traitement en santé mentale comme condition dudit logement. De plus, la plateforme soutient que Logement d’abord a été « affaibli par le gouvernement fédéral actuel […] ». Ceci étant dit, pour lutter contre le sans-abrisme, les conservateurs disent vouloir investir 325 millions de dollars au cours des trois prochaines années afin de créer 1 000 places de traitement résidentielles et convertir 50 centres communautaires partout au pays ». Les conservateurs encourageraient aussi les « programmes de traitement conçus et administrés par les communautés autochtones […] ».

10. Le logement supervisé n’est aucunement abordé dans la plateforme. J’entends par cela, le logement supervisé avec services sociaux, qui vise typiquement les personnes avec des besoins précis (par exemple, les personnes souffrant de troubles de santé mentale sérieux). Le logement supervisé est considéré depuis longtemps comme une approche viable pour les personnes en situation d’itinérance à long terme.

En somme, les mesures de la plateforme des conservateurs sont axées de manière disproportionnée sur l’accès à la propriété (plutôt que la location) et la possession de logements locatifs par des entités commerciales. Cela n’augure pas bien pour les Canadiens à faible revenu, surtout les 20% les moins bien nantis. De plus, l’accent sur la toxicomanie est problématique.

J’aimerais remercier les personnes suivantes pour leur appui avec ce billet : Alex Hemingway, Michel Laforge, Jeff Morrison, Doug Pawson, Steve Pomeroy, Sylvia Regnier, Vincent St-Martin, Marion Steele, Greg Suttor, Jennifer Tipple, Ricardo Tranjan et trois réviseurs anonymes.