J'ai reçu ce message (révisé afin de protéger la vie privée) sur Facebook l'autre jour de la part d'un ami de Toronto.

Salut Tanya! Toi qui t'y connais en logement, j'aimerais recevoir tes conseils.

Je reçois des allocations du POSPH, et ma santé s'améliore. Je veux déménager, mais je ne suis pas sûr de recevoir des allocations durant la prochaine année. J'essaie de savoir si je peux potentiellement me trouver un logement subventionné. Je sais que ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais je veux faire des tas de recherches et inscrire mon nom sur le plus de listes possible. Je suis déjà sur une liste reliée à ma catégorie de maladie. De toutes façons, il n'y a pas de mal à mettre mon nom sur une liste qui pourrait m'être utile dans le futur.

Aujourd'hui, j'ai appelé Housing Connections et ils ont été très décourageants, m'annonçant qu'il y a une liste d'attente de 20 ans pour les appartements à une chambre. J'ai aussi visité le site de la Toronto Housing Coop, mais les listes d'attente ouvertes sont pour des quartiers où je ne veux pas vivre.

Ce que je voudrais vraiment, c'est trouver une liste d'édifices qui ont été construits au cours des 20 dernières années, dans des bons quartiers et qui sont subventionnés.

Est-ce que la liste d'attente de 20 ans de Housing Connections est réaliste?

Merci
Ton ami

Malheureusement, je n'ai pas grand chose de positif à dire à mon ami. Un nombre croissant de personnes sont logées de façon précaire et les faibles taux d'inoccupation, les bas salaires minimums/faibles taux d'aide sociale et le manque de logements abordables font qu'il est difficile pour bon nombre de gens d'un bout à l'autre du pays de trouver des logements locatifs.

Je lui ai recommandé de vérifier les logements loués au prix du marché et abordables de la Toronto Community Housing Corporation (TCHC). Tandis que la TCHC et d'autres fournisseurs de logements sociaux se dirigent vers des projets de logements locatifs mixtes, un nombre croissant de logements loués au prix du marché et locatifs deviennent disponibles. Quatre-vingt-treize pourcent des locataires de la TCHC sont subventionnés avec des logements à loyer indexé sur le revenu, ce qui signifie que les locataires ne paient pas plus de 30 % de leur revenu au loyer. Lorsque les locataires paient plus de 30 % de leur revenu au loyer, on dit qu'ils éprouvent des besoins impérieux de logement.

Les logements restants sont offerts à un prix inférieur au prix du marché locatif et sont par conséquent supposés être plus abordables. Le taux des unités locatives offertes au prix du marché est établi en fonction des taux locatifs locaux et il n'y a pas de limite de revenu. Pour ce qui est des habitations abordables, les lignes directrices indiquent que le loyer est établi au prix des loyers sur le marché ou au loyer moyen sur le marché. Ces unités abordables font l'objet d'une limite de revenu basée sur le coût/la taille de l'unité et selon laquelle le revenu brut du ménage ne peut être supérieur à quatre fois le montant du loyer. Quoique louable en théorie et assurant que les gens qui ont les ressources nécessaires pour payer un loyer au prix du marché n'habitent pas dans des logements visant les personnes à faible revenu, ces logements locatifs ne sont toujours pas abordables pour les individus qui touchent l'aide sociale ou qui ont un emploi au salaire minimum.

Par exemple, une personne travaillant à temps plein en Ontario gagne 22 862,40 $ bruts par an, soit 1 905,20 $ par mois. [1] À 822 $, son loyer représente 43 % de son revenu brut. Les loyers plus chers étant à 979 $ et 1161 $, cela revient à 51,4 % et 61 % respectivement de leur revenu. Bien qu'une seule personne pourrait probablement survivre avec 43 % dans une garçonnière, une famille entière aurait besoin d'un plus grand logement. S'il s'agit de son seul revenu, cette famille serait automatiquement classée dans la catégorie des familles aux besoins impérieux de logement, mais pourraient toutefois passer des années sur une liste d'attente pour un logement à loyer indexé sur le revenu.

Guide de calcul pour un logement locatif abordable

Type de logement

Taux d'échantillon de location mensuelle

x 12 mois x 4 =

Revenu brut annuel maximum du ménage

Garçonnière

822 $

x 12 mois x 4 =

 39 456 $

1 chambre

979 $

x 12 mois x 4 =

 46 992 $

2 chambres

1 161 $

x 12 mois x 4 =

 55 728 $

Cet automne, l'Observatoire canadien sur l'itinérance lancera de nouvelles informations sur les taux d'inoccupation et l'abordabilité des logements d'un bout à l'autre du pays. Entre-temps, nous savons qu'il est très difficile pour les personnes à faible revenu – et surtout pour celles qui touchent l'aide sociale, qui reçoivent une pension ou touchent un salaire minimum – de pouvoir se permettre le logement dont ils ont besoin.

Le problème existe à l'échelle nationale, dans les grands centres urbains et dans les collectivités rurales. Dans le blogue de cette semaine sur la publication du rapport Housing First in Rural Canada: Rural Homelessness & Housing First Feasibility Across 22 Canadian Communities, la docteure Alina Turner explique que le manque de logements abordables et de soutiens de base dans les collectivités rurales (santé mentale, toxicomanies, violence familiale, etc.) représente un gros problème dans la lutte contre l'itinérance. Dans les centres ruraux, ce problème est d'autant plus prononcé. Il n'y a tout simplement pas assez de capacité de financement et de services pour pouvoir offrir les divers soutiens nécessaires.

Lorsque ces collectivités doivent offrir des soutiens aux personnes sans abri qui souffrent de problèmes complexes de toxicomanie et de santé mentale, elles sont obligées d'acheminer ces dernières vers les grands centres urbains. De nombreuses communautés rurales ne sont pas dotées de secteurs locatifs officiels, et encore moins d'un approvisionnement de logements locatifs.

Ce problème existe principalement parce que très peu de nouveaux projets de logement ont été construits au pays, et surtout comparé aux années 70 et 80 lorsque le gouvernement fédéral était solidement impliqué dans le marché des logements locatifs et investissait dans les coopératives d'habitation et les logements sociaux. Le transfert du logement aux provinces et territoires en 1993 (et le transfert ultérieur aux municipalités dans bien des domaines) a marqué la fin de cet investissement important dans le logement au Canada. Comme nous l'avons déjà mentionné, le Canada demeure le seul pays industrialisé au monde qui n'a pas de stratégie nationale de logement.

Les données de l'Ontario montrent qu'en 2012, il y avait 158 445 ménages qui attendaient des logements à loyer indexé sur le revenu au 31 décembre 2012. Cela représente 3,05 % des ménages en Ontario. Le rapport explique que 18 378 ménages ou environ 11 % des ménages sur une liste d'attente étaient logés. En moyenne, ils ont dû attendre 3,2 ans. Mais pour chaque ménage logé, il y a trois nouveaux demandeurs rajoutés à la liste.

En Ontario, les chiffres variaient selon la taille de la collectivité et du marché immobilier. À Toronto, le nombre de ménages (pas les gens, mais les ménages) qui attendent une subvention s'élève à 72 696; à Niagara, 5 831; à Ottawa, 9 717; et à Cochrane, 1 458.

Cette situation est présente dans tout le pays. Selon un article du Huffington Post, le Caucus des maires des grandes villes de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) mentionne :

  • «Plus de 3 000 familles figurent sur les listes d’attente pour un logement abordable à Calgary et dans la région de Waterloo.»
  • «Le prix moyen d'un nouveau logement a plus que doublé de 2001 à 2010.»
  • «La Saskatchewan a besoin de 6 500 à 7 000 mises en chantier de nouveaux logements pour répondre aux besoins et pour attirer des travailleurs, et on évalue que la ville de Vancouver en a besoin de 6 000.»

Citizens for Public Justice a publié un bon infographique sur le manque de logements abordables. Il mentionne que partout en Ontario, par exemple, il y a 156 358 ménages qui attendent un logement abordable. Cela varie par région et par type de ménage, mais le temps d'attente moyen en Ontario est de deux à quatre ans. Certains groupes (surtout les personnes âgées) sont logés dans l'année qui suit, tandis que d'autres (surtout les personnes célibataires et les couples sans enfants en dessous de 65 ans) peuvent attendre jusqu'à dix ans. De même, à Vancouver, le temps d'attente moyen est de 16 mois et d'environ trois ans à Halifax.

Selon la campagne de Crise du logement de la FCM, bien que 1/3 des Canadiens sont des locataires, seulement 10 % des constructions de nouveaux logements de la dernière décennie sont des logements locatifs. Il n'est donc pas étonnant que cela, ajouté «au prix élevé des maisons et l'endettement record des ménages» a incité la Banque du Canada à affirmer que «le déséquilibre du marché du logement représente le plus grand risque intérieur à notre économie.»

Mais la situation n'est pas entièrement sombre.

Le Wellesley Institute est doté d'une carte virtuelle des initiatives locales de logement d'un bout à l'autre du pays qui est classée en quelques catégories dont : politiques et information, prestataires de services, refuges, réseaux et ressources. Cela montre un dévouement et la multiplicité de programmes et d'initiatives partout au pays.

En Colombie-Britannique, la stratégie de logement Housing Matters BC est vantée comme étant «la stratégie de logement la plus progressive au Canada. Se concentrant sur les personnes qui connaissent le plus grand besoin, cette initiative de logement a reçu un appui de plus de 2,5 milliards du gouvernement depuis 2006 et a transformé le logement abordable en Colombie-Britannique. Depuis que l'initiative a été lancée, la province a doublé le nombre de places dans les refuges, ajouté des milliers de logements abordables pour les personnes âgées et les personnes handicapées, et vu une réduction marquée du nombre de personnes non logées. Actuellement, plus de 98 000 ménages bénéficient des programmes de logements abordables de la province – une augmentation de 20 % depuis 2006.»

De nouveaux projets de logement sont en train d'être construits et sont financés par la Stratégie de partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI). La SPLI a été renouvelée pendant plusieurs années et se concentre sur le programme Logement d'abord. Nous savons d'après la recherche que Logement d'abord est un modèle efficace pour les personnes qui vivent l'itinérance. En l'absence de nouvelles unités de logements abordables, l'usage des suppléments au loyer sera essentiel afin d'établir Logement d'abord partout au Canada. Des outils tels le livre numérique L'approche Logement d'abord au Canada : appuyer les collectivités pour mettre fin à l'itinérance et Le guide sur l'approche Logement d'abord offert en ligne seront très utiles aux collectivités.

Mais ça ne suffit pas.

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[1] Calcul : salaire minimum 11 $/h x 40 heures = 440 $/semaine x 4.33 semaines = 1905.20 $/mois (brut) x 12 mois = 22 862.40 $/an.

Cette publication fait partie de notre série de blogues du vendredi «Demandez au Rond-point». Vous avez une question en rapport avec l'itinérance et vous voudriez une réponse? Envoyez-nous un courriel à thehub@edu.yorku.ca et nous vous apporterons une réponse basée sur la recherche.