@homelesshub @McVeighWard14 Pourquoi? Une explication s'impose.

— Laurent Beaulieu (@lnb1956) 25 mai 2014

Pourquoi?

La réponse la plus simple est que la transphobie et l'ignorance règnent dans la plupart des milieux institutionnels, et en particulier dans le système des refuges. Les règlements et les politiques institutionnels qui ne prennent pas les personnes trans en considération finissent souvent par les éliminer complètement.

Et maintenant l'explication

Il est généralement accepté que certains refuges ne sont pas sécuritaires pour les personnes trans. Les jeunes transgenres sont souvent rejetés par les refuges en raison de leur identité sexuelle et régulièrement interdits d'accès par le refuge adapté au sexe auquel ils s'identifient parce que les refuges ne se sentent souvent pas équipés pour soutenir les jeunes trans. Cela force les jeunes trans à séjourner dans des refuges qui ne sont pas compatibles avec leur identité sexuelle ou à simplement éviter le système des refuges.

Les jeunes transgenres font face à des taux de discrimination plus élevés que n'importe quel autre groupe de jeunes. Les agences au service des jeunes sans abri à Toronto ont rapporté de grandes difficultés à soutenir les jeunes trans. La plupart des refuges pour les sans-abri sont ségrégés selon le sexe, ce qui signifie qu'il existe des refuges pour les hommes et des refuges pour les femmes, et que les refuges mixtes ont des étages séparés pour les hommes et les femmes. L'étage où une personne sera placée aura plus à voir avec la perception qu'a le personnel du sexe de cette personne et moins avec la façon dont un individu s'identifie en réalité, ce qui bien entendu pose un gros problème dans la mesure où tous les individus n'ont pas forcément une identité sexuelle conforme au sexe qui leur a été attribué à la naissance. Par exemple, si des personnes se présentent comme des personnes sexuellement plus ambiguës, quel que soit le sexe perçu par le membre du personnel, ce qui importe est l'étage où elles seront placées. De surcroît, lorsqu'il n'y a qu'une toilette pour les hommes ou pour les femmes, un étage spécifique pour les femmes ou pour les hommes, et quand les formulaires d'admission forcent les gens à s'identifier soit comme un homme ou une femme, toute identité qui ne s'inscrirait pas dans ces deux catégories bien précises n'est pas inclue, et si elle n'est pas inclue, on la considère inexistante.

La séparation des genres dans les refuges augmente le risque de discrimination et de violence sexuelles dans ces refuges. Elle crée aussi des obstacles importants à l'accès pour les genderqueer, les individus sexuellement non-conformistes et les individus qui n'en sont qu'aux premières étapes de leur transition. Le personnel des refuges a tendance à ne recevoir qu'une formation réduite en ce qui concerne les questions reliées aux transitions, aux besoins et à la terminologie. Le personnel ne comprend pas souvent l'importance de demander aux jeunes quel pronom et nom ils préfèrent, ou que les personnes trans peuvent aussi s'identifier comme hétérosexuelles et qu'elles ne s'inscrivent pas toujours dans la catégorie lesbienne, gay, bisexuelle et queer (LGBQ). Certains refuges ont même des règlements concernant le «code vestimentaire approprié à un sexe précis».

Vous vous demandez peut-être :

Pourquoi les jeunes trans ne séjournent-ils pas dans un refuge qui n'est pas approprié à leur identité sexuelle? Est-ce si difficile?

Forcer des individus à se classer dans un genre avec lequel ils ne s'identifient pas est transphobique, et la transphobie a de sérieuses conséquences sur la vie des gens trans. Cela est néfaste émotionnellement, psychologiquement, mentalement et physiquement. La transphobie a un impact négatif sur la santé et le bien-être des jeunes et conduit à de plus fortes chances de développer des habitudes telles que l'abus de substance et l'automutilation.

La transphobie mène au suicide.

Une importante étude canadienne intitulée TransPULSE, qui a enquêté sur la santé et les personnes trans en Ontario a révélé que 77 % des personnes trans avaient sérieusement envisagé le suicide, et que 45 % l'avait tenté. Les conclusions étaient que les jeunes trans courent les plus grands risques de tendances suicidaires.

Les City of Toronto shelter standards stipulent : «Tous les refuges seront accessibles aux résidents transgenres/transsexuels/doubles-esprits (TS/TG/2-S) par respect pour leur sexe auto défini, et les refuges devront travailler de manière à améliorer leur accès à ce groupe. Les refuges soutiendront le choix des résidents TG/TS/2-S à avoir accès aux services dans le genre qui leur semblera garantir au mieux leur sécurité». Cependant, les jeunes transgenres/transsexuels de femme à homme (FTM) sans-abri ont des besoins distincts auxquels le système de refuges de Toronto ne répond pas. Le FTM Safer Shelter Project – un projet de recherche communautaire enquêtant sur l'itinérance et l'accès aux refuges parmi les FTM de Toronto a révélé que le système de refuges actuel a été décrit par les FTM comme dangereux pour les transhommes. Les participants FTM ont déclaré ne pas se sentir bienvenus ni dans les refuges pour hommes, ni dans les refuges pour femmes, et que les politiques et pratiques du système des refuges leur semblaient humiliantes. Parmi les recommandations importantes émanant de l'étude figurait un appel voulant que la Ville de Toronto subventionne immédiatement des services de refuges spécialisés et une réserve des lits pour les FTM, ainsi qu'aux autres hommes vulnérables ou risquant d'être victimes de violence.

La discrimination contre les femmes transgenres dans les rues et le système des refuges est très commune. The Coming Together Project – un projet artistique communautaire d'action participative a mené une enquête pour savoir comment les femmes itinérantes trans et cis genres de Toronto établissaient un réseau de soutien entre elles. L'étude a révélé que les femmes trans et cis genres étaient surreprésentées parmi la population itinérante et couraient des risques élevés de violence et de traumatisme, et par conséquent, essayaient d'établir des réseaux de soutiens sociaux comme source de protection et de défense au sein du système de refuges. Cette étude a aussi découvert que les transfemmes en particulier subissaient une marginalisation et discrimination sévères dans le système des refuges et dans la rue en raison de leur identité de genre, sexuelle, raciale, sociale et de leur âge. Les transfemmes ont révélé se sentir marginalisées au sein des services de soutiens et éprouvaient souvent la nécessité de «se soumettre à des normes de féminité élevées afin de recevoir les mêmes services que ceux reçus par les femmes non trans.»

Malheureusement, les refuges ne sont pas toujours accessibles aux résidents transgenres, transsexuels et doubles-esprits au nom de leur genre auto déclaré. Les jeunes transgenres et transsexuels se voient souvent refuser l'accès des refuges en raison de leur identité sexuelle. Quelles que soient les normes et les politiques du refuge, les membres du personnel ont de plus grandes difficultés avec l'accès aux services des personnes trans. Ce qui suit provient de la description d'une jeune femme de ce que cela signifie de naviguer dans le système des refuges :

Ils utilisent uniquement votre carte d'identité pour vous placer à un étage à genre spécifique, quoi que dise votre carte, où que vous en soyez avec votre transition. Imaginez que vous êtes une femme trans qui a reçu une opération chirurgicale des parties génitales et tout ça, et que vous vous retrouvez à l'étage des hommes. C'est aussi contre les standards du Toronto Hostel. Quand je suis arrivée ici, ils ont refusé mon nom, m'ont forcée à mettre des habits de l'autre genre et se sont systématiquement opposés à tout ce que je faisais pour résoudre ces problèmes (jeune sans abri de 23 ans).

Les jeunes trans en particulier ont rapporté des obstacles aux services de soutien et professionnels, y compris les refuges et les services de soins de santé qui sont souvent apportés dans les refuges. Il est crucial que les jeunes trans aient accès à des professionnels des soins de santé ayant une connaissance parfaite des questions reliées au transgendrisme et aux soins de santé en rapport avec la transition. Les besoins en soins de santé des jeunes transgenres diffèrent de ceux des jeunes cisgenres, qu'ils soient sans abri ou non. Par exemple, ces besoins peuvent inclure une opération chirurgicale reliée à la transition, des changements de nom, et l'identification qui va avec leurs nouveaux noms, ainsi que les hormones, qui requièrent une surveillance particulière, et des examens sanguins réguliers. La complexité de ces besoins s’intensifie quand on est itinérant, sans argent, sans assurance santé ou sans réseau de soutien. Le manque de services de soins de santé spécialisés pour les jeunes transgenres fait que souvent, les jeunes se tournent vers des fournisseurs illégaux de traitements reliés à la transition (hormones, injections de silicone), ce qui peut entraîner de graves complications.

Des problèmes institutionnels et systémiques profonds existent au sein du système des refuges concernant l'accès des trans aux refuges. Les travailleurs et la direction des refuges ne suivent pas de manière rigoureuse les règlements ni les politiques, et ne reçoivent pas de formation de sensibilisation aux trans. Il y a un manque fondamental de reconnaissance de l'existence des personnes trans dans le système des refuges en partie en raison de leur oblitération institutionnelle, ce qui signifie que l'institution élimine les personnes trans en les excluant des formulaires, des programmes, des rapports et des statistiques essentiels.

Les solutions à ces problèmes incluent des changements aux pratiques et aux politiques. Mais d'abord et avant tout, les gens devraient être respectés et traités pour leur genre auto identifié. Par exemple, si quelqu'un affirme s'identifier comme masculin, il faut s'adresser à cette personne avec des pronoms masculins. Si une personne affirme qu'elle s'identifie comme une femme, adressez-vous à elle avec des pronoms féminins. Si quelqu'un affirme s'identifier comme genderqueer et préfère des pronoms de genre neutre, adressez-vous à cette personne de manière neutre.

Votre refuge a-t-il une toilette pour genre neutre? Si non, vous pouvez facilement convertir une toilette à occupation individuelle en une toilette pour genre neutre en remplaçant les panneaux des silhouettes hommes et femmes par un panneau incluant tous les genres. Prendre le temps d'écouter les opinions et les besoins des jeunes trans aidera les prestataires de services à créer des services sûrs, accessibles et favorables aux jeunes trans et de genre non-conforme.

Unissons nos efforts pour mettre fin à la transphobie.

Ressources :

LGBT Youth Line – 1-800-268-9688, www.youthline.ca
Supporting Our Youth (SOY) – www.soytoronto.org
Centre de formation de Toronto Hostels – http://thtcentre.com/
Trans Awareness Training – http://www.the519.org

Comment devenir un allié des trans :
http://lgbcenter.ucdavis.edu/lgbt-education/trans-ally-tips
http://transwhat.org/allyship/
http://www.glaad.org/transgender/allies