La quête d’un orphelin

À l’âge de 13 ans, je suis parti pendant un weekend avec ma mère. Quand nous sommes revenus, nous avons remarqué que toutes mes affaires avaient été éparpillées dans sa chambre. Les affaires de quelqu’un d’autre se trouvaient à la place des miennes! Quelqu’un avait offert plus d’argent pour le loyer à la dame avec laquelle nous vivions. Je suis reparti voir la dame en question pour lui dire ce que je pensais d’elle pendant que ma mère était partie boire un verre dans le café d’en face. J’ai dit à cette vieille sorcière de ne plus s’assoir sur notre sofa. J’ai débranché la télé. Et quand elle s’est élancée pour la rebrancher, je lui ai demandé si elle était fière et contente de nous avoir fait ce sale coup. Elle a répondu : «Ouais, pas mal fière.» Elle s’est réinstallée sur le sofa et je lui ai dit une deuxième fois de ne pas s’assoir sur notre sofa. Elle m’a lancé que c’était son sofa. Fou de colère, je lui ai dit :«Je sais que je n’ai que 13 ans, mais il ne faut pas être un génie pour comprendre que j’ai dormi et joué des jeux vidéo sur ce sofa depuis plusieurs années! Je ne sais pas si tu t’en rends compte, mais tu devrais aller voir un psychiatre!»

J’enrageais et je voulais me venger, mais je me suis retenu de la remettre à sa place. Je remercie le golf, non pas Dieu, pour m’avoir donné la patience de me retenir! Pourtant, j’ai voulu lui faire peur pour lui faire comprendre qu’elle avait eu tort. Elle nous insultait et envahissait notre intimité. J’ai donc couru vers elle en faisant semblant de lui donner un coup de pied. Quand j’ai allongé ma jambe, mon pied était à deux pieds de sa tête. Croyant que j’allais la frapper, elle a étendu son bras avec une cigarette dans la main pour se protéger, et j’ai fini pour lui faire une entorse au doigt. Elle a demandé aux voisins d’appeler la police.

Une heure plus tard, en route vers la maison de l’ami de ma mère, plusieurs voitures m’attendaient. Ma mère craignait que j’aie fait quelque chose de mal. Dans mon esprit, j’avais rien fait de mal. Mais la loi est ce qu’elle est, et ce que j’avais fait était clairement mal. Mon agent de probation a rigolé et m’a dit qu’à ma place, il se serait conduit bien plus mal à mon âge. Il m’a dit que si je me pointais à une autre réunion, il me ferait faire toute la période de probation. La semaine suivante, nous déménagions à Niagara Falls. Au cours des quatre ou cinq années où j’ai vécu à Niagara, et quand je retournais à Milton, j’allais tourmenter la vieille sorcière en lançant des œufs, des balles de peinture et d’autres choses que je ne nommerai pas sur sa maison. Je veux garder quelques secrets du métier!

À bien d’autres reprises je me suis senti comme un sans-abri, parce que même si j’ai continué à habiter à la maison jusqu’à l’âge de 16 ans, la maison était le dernier endroit au monde où je pouvais me relaxer. L’abus d’alcool y était chose commune et je me voyais éviter plus de déprime qu’un homme corrompu après la confession.

Quand j’avais presque 19 ans, j’ai décidé de quitter Niagara Falls pour retourner à Milton, en Ontario. Je vivais seul depuis environ un an. Le loyer était beaucoup plus élevé qu’à Niagara Falls puisque c’était plus près de Toronto. C’est vraiment ridicule, parce que malgré qu’il y ait plus de travail, les revenus sont les mêmes partout dans la province. Si les loyers sont plus élevés, les revenus devraient être plus élevés aussi.

De retour à Milton, j’ai livré des pizzas durant la première année, et soudain, sans raison, mes heures ont baissé. Un jour en moins par ici, un autre la semaine suivante, puis j’ai eu des ennuis de voiture et j’ai dû m’arrêter de travailler pendant toute une semaine parce que j’utilisais ma voiture pour livrer les pizzas. Quelques jours plus tard, mon beau-père est mort. J’ai dû prendre une autre semaine de congé pour aider à préparer les funérailles avec ma mère. Ça n’a pas été facile, mais ça m’a préparé à être plus fort lorsque ça s’est reproduit plus tard, car je savais comment gérer la situation et mieux me contrôler.

Mon meilleur ami, qui combattait une dépendance à la cocaïne depuis un an, venait d’emménager avec moi. J’étais la seule personne qui avait accepté de l’accueillir. Il était très honnête avec lui-même et essayait de s’arrêter. Je l’ai convaincu de rester clean pendant les funérailles et de jouer de la guitare durant le service. Il y avait quelque chose dans sa façon de jouer qui me transportait et me faisait tout voir d’un oeil plus positif, et c’est ce que mon beau-père aurait aimé, tout comme ma mère. Ils ne voulaient pas qu’on ait pitié d’eux, même s’ils s’accrochaient souvent au passé.

Une fois mon ami clean, nous avons emménagé dans un deux pièces à 800 $ par mois. Il n’y avait pas moins cher et ça avait besoin de travail. Le propriétaire devait faire des tas de réparations avant qu’on emménage, mais comme nous avions vraiment besoin d’un endroit où rester, il nous a permis d’emménager plus tôt. Nous lui avons donné le premier et le dernier mois et nous ne l’avons plus jamais revu. Il a emprunté 10 000 $ à son ami pour payer le reste de l’hypothèque, et il a quitté la ville. La douche n’avait que de l’eau chaude. Lorsque les plombiers sont venus la réparer et qu’ils ont compris qu’ils n’allaient pas être payés, ils sont partis en laissant la douche désassemblée avec des pièces manquantes. Plus rien ne fonctionnait dans la salle de bain, à part les toilettes avec de l’eau chaude. La compagnie électrique est venue me voir pour me dire de transférer le compte à mon nom parce qu’ils ne recevaient pas leurs paiements mais je n’allais rien payer avant que les réparations soient effectuées. La banque est passée pour nous dire de leur payer le loyer. L’appartement était maintenant leur propriété puisque le propriétaire avait disparu. Mais j’ai refusé de payer le loyer tant que les réparations n’étaient pas faites. Quelques semaines plus tard, des fusibles ont sauté et seule la cuisine avait encore de l’électricité. Le coffret à fusibles n’était pas situé dans notre appartement. Il était dans le sous-sol d’un magasin dans le même édifice, mais dans une autre rue. Le magasin était à louer et comme il n’avait pas été utilisé depuis longtemps, il n’y avait jamais personne. Nous avons décidé d’utiliser une rallonge, de la lancer au dessus du toit de notre appartement et d’utiliser une prise de courant dans l’appart voisin qui était inoccupé. J’ai dû comparaître en cours et j’ai été dispensé de payer le loyer non réglé qui s’élevait à environ 3 500 $. Mais croyez-moi, ce n’était que justice parce que j’aurais parfois préféré dormir dehors. J’ai déménagé dans quelques autres places qui louaient des chambres.

Euh, voyons, la seule chose positive concernant l’itinérance c’est que ceux qui sont sans abri savent que l’aventure peut être vécue à différents niveaux. C’est l’aventure qui m’a permis de voir la vie de façon plus positive et qui a brisé mon égoïsme de façon à ce qu’il ne se soit jamais vraiment remis. L’extérieur appartient à tout le monde. Certains endroits ont été réclamés, mais pour la plupart, je me sens maintenant comme s’il y avait bien plus que des refuges à découvrir. Oui, ce sont des expériences difficiles, et ça peut faire souffrir de bien des façons. Mais si ce sont de meilleurs jours que tu veux atteindre, tu dois te demander «Combien est-ce que ça vaut pour toi?»

Date de publication: 
2007
Nouvel emplacement: 
St. John’s, Terre-Neuve et Labrador, Canada